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Le « Virtual commissioning » pour une pédagogie active sur la commande des systèmes cyber-physiques
L’Industrie 4.0 est souvent décrite en énumérant une série d’innovations technologiques en cours (big data, deep learning, simulation, robotisation, internet des objets, cloud, fabrication additive…) et les possibilités qu’elles offrent pour améliorer le système productif. Il ne faut pas considérer ces technologies comme des briques isolées, mais à l’inverse, insister sur leur articulation. La convergence entre le monde de l’IT (Information Technology) et le monde de la production (OT : « Operational Technology ») doit apporter des solutions originales pour accroître la productivité, la qualité et la flexibilité au sein des usines qui sont aujourd’hui considérés comme des systèmes cyber-physiques en interaction. L’industrie 4.0 va modifier le métier et les outils de travail de l’automaticien, du mécanicien, de l’opérateur de maintenance du futur qui appartiendront à la génération « Y ou Millenials ». Ces « digital natives » ont grandi avec l’évolution des technologies de l’information et de la communication. Ils ont vu naître et sont actifs sur les réseaux sociaux. Cette génération sera nécessairement amenée à travailler dans des contextes de hautes technologies, où il sera difficile de comprendre l’ensemble des techniques utilisées. Les techniciens et ingénieurs de l’Industrie 4.0 devront le plus souvent utiliser et intégrer dans des systèmes complexes, des boites noires. Cela entrainera des problématiques de compréhension des interactions entre ces boites noires et des risques accrus de phénomènes émergeants non maitrisés. Il est donc important d’une part, de travailler en amont, et de développer de méthodes et outils sûrs pour la conception, et d’autre part, d’adapter les formations en repensant les modalités éducatives, particulièrement dans l’enseignement technique.
Dans le cadre de ce projet, fort de l’expérience des 3 partenaires (URCA, UVHC, UL) dans les domaines de la formation au contrôle/commande, la synthèse de la commande sûre de fonctionnement, la coopération Homme- Machine et la simulation de Parties Opératives, il est proposé de développer une pédagogie innovante avec des outils numériques (propres à l’automatique) en interconnexion avec un « jumeau numérique », autour d’une plateforme permettant d’avoir une vision systémique multi points de vue du système de production et de faire ainsi le lien entre différents modules pédagogiques. Il s’agit d’un projet d’innovation pédagogique qui s’articule autour de 4 work packages :
Les jeux vidéo sont aujourd’hui considérés comme une modalité éducative majeure pour la génération « digital native ». Ces jeux-vidéo, dits « sérieux », se distinguent par le fait qu’ils combinent une dimension éducative dans le cas qui nous intéresse, avec une dimension ludique. Il s'agit donc d'utiliser les mécanismes fondamentaux du jeu vidéo (exploration, immersion, défi, récompense, apprentissage…) pour augmenter la motivation des apprenants et orienter leur centres d’intérêt vers l'apprentissage visé. Les jeux sérieux pour et à l’école posent toutefois des questions essentielles sur le rôle assigné à l’enseignant et de la manière de les intégrer efficacement dans une séquence pédagogique en classe. Depuis 2008, le CReSTIC (Centre de Recherche en Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication, EA 3804) de l’Université de Reims Champagne Ardenne (URCA), dans le cadre d’un partenariat scientifique et technique, collabore avec la société portugaise Real Games au développement de logiciels innovants de simulation de partie opérative (ITS PLC, HOME I/O, FACTORY I/O), de type FPS (First Person Shooter), reposant sur l’utilisation des technologies et des ressorts des jeux vidéo (rendu graphique 3D et sonore, « game play », interactivité et attractivité). FACTORY I/O, compte tenu de ses possibilités (création de Parties Opératives, variables TOR et numériques, connectivité…) peut être considéré et utilisé comme un jumeau numérique adapté au « virtual commissioning ». En effet, il peut être connecté à des parties commandes matérielles ou logicielles : automate programmable industriel, microcontrôleurs, LabVIEW, MATLAB...
FACTORY I/O permet donc de disposer d’une usine virtuelle et de sources de données TOR ou analogiques pour la formation à la commande, aux API (Automate Programmable Industriel), SCADA (Supervisory Control And Data Acquisition), IHM (Interface Homme-Machine), et MES (Manufacturing Execution System), etc. Il est également possible d’introduire des perturbations ou des pannes sur les capteurs, actionneurs et objets (boites, palettes…). FACTORY I/O favorise la démarche d’investigation et permet à l’enseignant de rester le maître du jeu, en imaginant des situations-problèmes sur des systèmes qu’il est difficile de disposer en réel pour des raisons d’encombrement, de risque et de coût. Dans le cadre du WP1, les délivrables consisteront à définir les cas d’usage. Ce travail passe par la définition et la réalisation de modèles de systèmes de production avec FACTORY I/O, représentatifs des problèmes de commande les plus courants dans l’Industrie 4.0.
Pour faire évoluer les modalités de formation dans le but de faciliter l’apprentissage et l’auto-formation, l’approche originale que nous souhaitons développer consiste à outiller le jumeau numérique. Il est proposé, dans le cadre de ce projet, d’étendre des résultats de recherche dans le domaine de la synthèse de la commande sûre de fonctionnement par contraintes de sécurité (filtre logique) obtenus à l’URCA, l’UL et l’UVHC, pour apporter des capacités de coopération, entre l’apprenant et le jumeau numérique, en s’appuyant notamment sur les concepts d’espace de travail commun permettant le partage d’éléments en lien avec les activités coopératives et les activités de résolution de problème. Un « filtre logique » s’intercalant entre le contrôleur et la partie opérative (PO) permet la détection d’une erreur de commande et éventuellement sa correction (ou compensation). Le filtre logique repose sur la définition de contraintes de sécurité logiques (pouvant être vérifiées formellement hors ligne par « model-checking »), autorisant ou non les ordres envoyés à la Partie Opérative (PO) en vue de garantir la sécurité. L’ensemble des contraintes de sécurité est conçu indépendamment du programme API et dépend de la PO étudiée. Trois utilisations possibles du filtre logique sont possibles : bloquant, superviseur et contrôleur, permettant entre autres de garantir la sécurité de programmes API existants de façon non intrusive. Cette approche, validée sur des exemples industriels, présente plusieurs intérêts parmi lesquels la simplification des programmes de commande, la sécurisation d’un programme existant sans modifier le code, la séparation de la sécurité et du fonctionnel, la gestion facilitée des modes de marches et d’arrêts, etc. La levée des contraintes peut être également utilisée comme une source d’explications pour les opérateurs de supervision ou de maintenance. Selon différents niveaux d’accès à l’historique des E/S qui ont conduit à la levée de ces contraintes, il est possible de proposer des représentations et voire même des hypothèses permettant d’apporter une aide au diagnostic de l’erreur de commande. Cette approche a fait l’objet d’une première étude de faisabilité dans le cadre du projet ADEXEC réunissant les 3 partenaires. Dans le cadre de ce WP, les partenaires mutualiseront leurs compétences sur les points suivants :
Le filtre logique nous semble également pertinent dans le cadre de la formation des automaticiens. En effet, il est important que les apprenants puissent mettre en application sur des Parties Opératives (réelles ou simulées) les concepts théoriques de l’automatique et acquérir des savoir-faire en adéquation avec les réalités et les besoins de l’Industrie 4.0. Pour cela, il est nécessaire que l’apprenant automaticien, quel que soit son niveau d’expertise, soit confronté à des problèmes « réels » sur des parties opératives « réalistes ». L’approche par filtre bloquant permet de fiabiliser le contrôleur et de stopper une PO réelle suite à une erreur de commande. Il permet aussi de vérifier que l’apprenant à une compréhension correcte du fonctionnement de la partie opérative et des contraintes d’utilisation et de synchronisation entre ses différents constituants. Nous proposons, dans le cadre de ce projet, d’étendre cette approche au jumeau numérique, et d’intégrer un outil de coopération Homme- Machine reposant sur une analyse des contraintes de sécurité violées dans le filtre logique, et capable de fournir des explications adaptées au niveau de l’apprenant, sur ses erreurs de conception du contrôleur. Dans le cadre du WP2, la preuve de concept d’un outil de « virtual commissioning » de la commande coopérant avec l’apprenant sera réalisée. Ce travail passe, d’une part, par la définition des contraintes de sécurité des systèmes définis dans le WP1, et d’autre part la spécification et la réalisation de l’outil de coopération H-M. Pour cela, il conviendra de définir les niveaux d’explications à fournir à l’apprenant. En effet, la génération des explications à destination d’un apprenant doit être compréhensible et suffisamment synthétique vis-à-vis de son niveau de connaissance.
Les questions pédagogiques occupent aujourd’hui une place centrale dans l’enseignement supérieur. L’accélération est mondiale avec des pays moteurs comme Singapour, la Finlande ou la Suisse qui font depuis longtemps de la recherche et du développement sur le système éducatif. L’enseignant doit aujourd’hui accepter la remise en cause de ses habitudes et s’adapter à une génération d’étudiants totalement différente des précédentes. Une réflexion, dans le domaine de l’enseignement technique (où l’acquisition de compétence et de savoir-faire est fondamentale), doit être conduite pour permettre une pédagogie plus active. Dans le cadre du projet proposé, l’idée n’est pas uniquement de remplacer un système réel par une simulation numérique outillée, mais d’envisager la manière de l’utiliser efficacement en l’intégrant dans des approches pédagogiques innovantes : classes inversées, learning labs, MOOC, blended learning…
Un jumeau numérique comme FACTORY I/O contribue en mettant à la disposition des enseignants et des apprenants des simulations de systèmesdynamiques réalistes, ouvertes et ludiques. De nombreuses possibilités d’utilisation du jumeau numérique outillé pour la formation à la commande sont envisageables : en présentiel, à distance, en auto-formation, avec un contrôleur matériel (HIL) ou logiciel (SIL)… L’objectif du WP3 est de faire un état de l’art des possibilités offertes par le jumeau numérique et l’outil de coopération développé, et de choisir des scénarios pédagogiques originaux qui seront testés dans le WP4.
L’évaluation des environnements informatiques pour l'apprentissage humain (EIAH) peut se faire au travers de 3 dimensions : l’utilité, l’utilisabilité et l’acceptabilité. L’utilité se définit comme l’adéquation entre l’objectif d’apprentissage et l’atteinte de cet objectif. L’utilisabilité désigne la facilité d’utilisation (la maniabilité) de l’EIAH. L’utilisabilité se joue au niveau de l’Interface Homme-Machine (IHM). L’acceptabilité conditionne la décision de s’approprier l’outil et donc de l’utiliser. Ce critère est donc étroitement lié à l’utilité et l’utilisabilité de l’EIAH. Dans le cadre de ce projet, nous désirons évaluer ces 3 critères selon le point de vue des apprenants et des enseignants, en essayant de mettre en évidence l’apport de l’aspect ludique du jumeau numérique et de l’outil de coopération. Le LAMIH de l’UVHC a une expérience reconnue dans le domaine des systèmes H-M et de la conception et l’évaluation d’outils d’aide à l’opérateur (au sens large). Ce savoir-faire sera exploité dans le projet pour définir des protocoles expérimentaux originaux et rigoureux avec des étudiants de différents niveaux (DUT, L, M) des 3 Universités.
Les livrables seront mis à disposition du réseau et alimenteront la communication du GIS : modèles FACTORY I/O, ressources pédagogiques, rapports de synthèse des work packages, rapports des réunions de travail, poster et/ou vidéo, et participation pour dissémination vers la communauté via le colloque national, dans la session CFM ou encore JCM. Nous souhaitons également valoriser le travail au moyen de publications dans des conférences comme CETSIS, IFAC ACE, IFAC HMS ou des revues comme IEEE TOE. Enfin, le projet permettra de poursuivre la dynamique du consortium entre les 3 établissements, qui sur les résultats obtenus pourront préparer des dossiers pour un financement de type ANR.